Qui décide de nos lois ? (2ème partie)

Chère lectrice, cher lecteur,

Aujourd’hui je vais vous parler d’une idée fausse sur la démocratie.

C’est celle de l’équilibre des intérêts.

Qu’est-ce que ça signifie ?

Selon plusieurs écoles de pensée, la démocratie génère les meilleurs choix grâce à l’opposition des intérêts : les syndicats face aux patrons, la gauche contre la droite, les taxis contre les VTC, etc…

Etant donné la diversité des opinions, la solution va tendre à se trouver vers un juste milieu qui favorise le plus grand nombre.

C’est une belle théorie, très forte pour valider la confiance en la démocratie mais qui est malheureusement… terriblement fausse.

Intérêts concentrés, intérêts diffus

 

Tous les groupes d’intérêts opposés ne sont pas structurés de la même manière.

Autant dans leur nombre que dans l’intensité de leurs intérêts…

C’est ce qu’on appelle le problème des intérêts diffus et des intérêts concentrés.

Prenons un exemple :

En 2013, le gouvernement impose l’achat d’un éthylotest aux automobilistes français. [1]

D’un côté nous avons les fabricants de ces appareils. Le vote de cette loi leur garantit plus de 74 millions d’euros de bénéfice selon les estimations. [2]

L’intérêt de ces fabricants est donc TRES important et il est également facile pour eux de s’organiser étant donné leur petit nombre.

Dans ce cas, les deux seuls fabricants d’éthylotests ayant le standard de qualité (Contralco et Pelimex) se sont regroupés avec leurs revendeurs pour créer l’association I-Tests, pour pousser leur agenda politique.

De l’autre côté, nous avons des automobilistes qui devront débourser quelques euros pour un éthylotest : une dépense faible qui ne change pas fondamentalement leurs vies.

Le résultat est que les groupes qui ont des intérêts plus concentrés sont des participants plus actifs, bruyants et effectifs lors du processus de décision collective.

Les groupes étendus, qui sont généralement la majorité des citoyens, se font avoir car ils ne font pas campagne et n’arrivent pas à s’organiser.

Le travail d’influence des fabricants d’éthylotests est ici vraiment simple… écoutez plutôt ceux-ci s’exprimer :

« Nous avons fait valoir qu’une loi exigeant la possession d’un éthylotest existait déjà depuis 1970, votée par la droite et par la gauche, et qu’il suffisait de l’appliquer », reconnaît Guillaume Neau. Trop heureux de pouvoir prendre une mesure d’apparence efficace et indolore pour les caisses de l’Etat -au moment où justement les chiffres de la mortalité routière repartaient à la hausse-, le ministre de l’Intérieur, Claude Guéant, s’est empressé de signer fin 2011. [1]

En quelques arguments, les groupes de pression réussissent ainsi à convaincre les politiciens de voter en faveur de leurs idées… et remportent un fric fou !

Et ce n’est de loin pas la première fois que la France se fait avoir !

La conséquence du système est que tous les petits groupes essayent d’avoir de tels privilèges.

Quels privilèges peuvent-ils obtenir ?

  • Des subventions
  • Des règles pour imposer des standards de production (et exclure ainsi les concurrents)
  • L’imposition de l’achat (comme ici l’éthylotest)
  • Des mandats publics

Par conséquent, les législations et les normes augmentent toujours plus et les taxes se multiplient.

Comme le disait Frédéric Bastiat, au final tout le monde essaie de vivre au dépend de tout le monde.

Plus l’Etat est grand, pire c’est !

 

Evidemment ce problème s’empire avec la taille de l’Etat.

Les groupes de pression peuvent appliquer les mêmes recettes qui ont marché à l’échelle nationale pour convaincre les politiciens à l’échelle internationale comme par exemple dans l’Union Européenne.

Le levier est encore plus important et la partie adverse a un intérêt encore plus diffus !

Plus un Etat est imposant, plus la cour des conseillers s’étend.

Bruxelles, comme capitale européenne, enregistre plus de 10 000 groupes de pression [3]. On dit même qu’elle est le deuxième plus grand centre du lobbyisme après Washington DC.

Il s’agit pour les groupes de pression d’agir auprès des premiers échelons du processus législatifs et de fournir les arguments ou les textes législatifs.

Vous ne pensiez pas, tout de même, que c’était réellement les personnes que vous avez élues qui écrivaient toutes les propositions de lois de l’Union Européenne ?

Les élus ont, semble-t-il, autre chose à faire que de lire ou écrire des textes de lois…

Aux Etats-Unis, certains parlementaires avaient montré que c’était clairement impossible pour eux de lire les propositions données. [5]

Certaines propositions de lois font des milliers de pages… quel élu fait le travail de lecture pour comprendre toutes les conséquences possibles d’une loi ?

Ce n’est même pas un véritable secret, les politiciens votent clairement pour des textes qu’ils n’ont pas lus !

Et c’est la même chose en France ou ailleurs…

La réglementation : l’amie des riches

 

On dit souvent que la « dérégulation » favorise les grandes entreprises.

Bien souvent c’est l’exact contraire…

Regardez le fameux RGPD, le règlement général de la protection des données qui a fait grand bruit lors du vote en 2016.

L’idée était vendue par l’Union Européenne comme une protection pour les citoyens contre les géants de l’internet.

Les résultats scientifiques montrent maintenant que la complexité légale a été bénéfique à Google contrairement à leur concurrence. [4]

Est-ce parce que ces grands géants du net ont influencé le processus législatif ? Difficile à savoir…

Une solution possible : la transparence

 

Nous ne pourrons jamais supprimer l’influence des groupes de pression sur les décisions.

Ce qu’on peut faire cependant c’est rendre le processus lisible pour tous.

  • Qui a écrit quel texte ?
  • Quel élu a rencontré quel lobby ?
  • Quel groupe de pression a organisé des meetings sur le sujet ?

En retraçant tout le processus législatif, on peut prendre la mesure de l’influence des lobbys. On peut aussi mesurer la différence de poids entre les groupes.

Ça me paraît crucial pour empêcher ces captures de rentes de la part de petits groupes de pression bien organisés. 

En mettant en lumière ce processus, on rend public le jeu politique.

Il serait, par exemple, plus difficile pour le lobby des fabricants d’éthylotests d’imposer leur produit aux citoyens français si nous avions vu l’influence qu’ils avaient déjà déployée dans la rédaction des normes. [2]

En montrant les éléments qui ont influencé les lois, on va obliger ces lobbys à être visibles… et donc à réduire sensiblement l’impunité dans laquelle ils agissent.

Les médias pourront aussi avoir accès à ces informations et souligner les influences dont jouent certains groupes.

Que faire concrètement ?

 

J’ai longtemps essayé de militer dans les partis politiques pour faire changer les choses.

Et franchement… rien ne se passe.

Généralement, ils n’ont même pas l’impression que ça soit important.

En réalité, si on veut du changement, ça ne pourra se faire que depuis en bas… par le peuple.

Les politiciens changent de discours et agissent s’ils voient une tendance dans la population… et donc un potentiel de voix à récolter.

Il faudra donc agir…

Restez à l’écoute… je prépare quelque chose.

A votre bonne fortune,
Frédéric Duval

P.s : je conseille la lecture du livre de Mancur Olson (1965) logique de l’action collective qui explore la nature des groupes d’intérêt. Un superbe ouvrage, classique de l’analyse politique, qui garde encore tout son intérêt.

 

Sources : 

[1] https://www.challenges.fr/entreprise/la-verite-sur-le-jackpot-des-ethylotests_229856

[2] https://www.contrepoints.org/2012/07/01/89017-ethylotest-obligatoire-un-lobbying-reussi-des-fabricants

[3 ]http://multinationales.org/A-Bruxelles-plongee-dans-le-lobbying-au-quotidien

[4] https://cliqz.com/en/magazine/study-google-is-the-biggest-beneficiary-of-the-gdpr

[5] https://www.foxnews.com/opinion/sen-rand-pauls-read-the-bills-act-is-it-really-too-much-to-ask-members-of-congress-to-read-legislation-before-they-vote-on-it





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