La crise turque : un rappel aux fondamentaux économiques

 

L’effondrement de la livre turque est-il surprenant ?

D’abord et avant tout, la baisse de la livre se poursuit depuis un certain temps et n’a rien à voir avec la vigueur du dollar américain en 2018. L’effondrement monétaire était un événement en attente de se produire et a été complètement créé par l’Etat turc lui-même !

C’est une preuve de plus des dégâts que causent des erreurs de pensée économique. C’est le même refrain que pour l’Argentine, le Brésil, l’Iran ou le Vénézuela…

Quand allons-nous arrêter de croire que la souveraineté monétaire permet de faire n’importe quoi sans risque de défaut de paiement ! C’est une absurdité !

Chaque fois on entend ces idées « d’économistes » que « tant que la confiance est là, l’inflation monétaire n’est pas un problème. »

Les turcs ont fait tout juste selon la pensée mainstream économique : le gouvernement Erdogan a pris le contrôle de la banque centrale et a décidé d’imprimer et de maintenir des taux extrêmement bas pour « relancer l’économie » sans aucune mesure ou contrôle.

La masse monétaire de la Turquie a triplé en sept ans et les taux ont été massivement abaissés à 4,5 % !

Comment voulez-vous faire de telles manipulations et croire que tout va bien se passer ?

Cependant, la dépréciation de la livre n’a pas seulement été acceptée par le gouvernement, mais elle a aussi été encouragée.

Après évidemment on se met à distribuer les livres fraîchement imprimées afin de faire plaisir aux électeurs : subventions à l’agriculture et au tourisme (qui souffre à cause de la baisse d’image liée à l’insécurité), soutien aux retraités, etc…

Bref les tours de magie des bons petits gouvernements autoritaires !

Il s’en est suivi une perte de réserves de devises étrangères, mais le gouvernement a continué à promouvoir le surendettement et l’emprunt (tout lien avec nos pays occidentaux est purement fortuit). Les déficits budgétaires ont grimpé en flèche et la dévaluation rapide de la livre a entraîné une augmentation du montant des prêts en dollars américains.

L’Europe trempée dans l’affaire

 

Aujourd’hui, le risque augmente pour le reste de l’Europe. D’une part, l’exposition des banques de la zone euro comme BBVA, BNP, Unicredit à la Turquie est très importante.  Entre 15% et 20% de tous les actifs.

Ce sont d’abord les banques espagnoles puis françaises qui sont les plus touchées. Ils ont parié sur la croissance économique turque… et ils ont perdu.

Ils ont aussi parié sur l’affaiblissement constant du dollar américain et sur le fait que la Réserve fédérale n’augmenterait pas les taux comme annoncés. Ils avaient manifestement tort. Mais ce pari erroné ne fait qu’ajouter aux déséquilibres monétaires et budgétaires déjà existants en Turquie.

D’autre part, l’augmentation des prêts non performants est évidente.  Les prêts de la Turquie en dollars américains représentent environ 30 % du PIB selon le Washington Post, mais les prêts en euros pourraient représenter jusqu’à 20 % supplémentaires.

La masse monétaire turque continue de croître à des taux de quasiment deux chiffres, les dépenses du gouvernement dépassent les réserves décroissantes et la fuite des capitaux commence à être évidente alors que les épargnants et les investisseurs craignent que le gouvernement Erdogan préfère prendre l’option du contrôle des capitaux afin de saisir le pouvoir complet plutôt que de restaurer la crédibilité économique avec des politiques monétaires saines.

Comment leur reprocher de perdre confiance en ce gouvernement ?

Et comme pour l’Argentine, ils essaient vite d’augmenter les taux pour calmer les marchés… mais quand on craint la prise de contrôle du capital par le gouvernement ou un « bank run » ce n’est pas quelques points d’intérêt qui vont vous arrêter à aller retirer vos sous.

Qui va laisser son argent, même pour un taux à 18%, lorsque le risque est de perdre TOUTE sa fortune !?

L’ennemi numéro 1 de l’économie turque

 

Le problème de la Turquie est d’ordre légal, monétaire et fiscal. La Turquie aura besoin d’un programme d’ajustement massif et d’une ouverture crédible de ses institutions et de ses marchés pour attirer les capitaux et rétablir la croissance.

Malheureusement, la voie habituelle des états autocrates semble être plus probable : plus de contrôle gouvernemental des institutions, moins de sécurité d’investissement et l’aggravation de la crise tout en blâmant un ennemi extérieur.

Le parallèle avec le Vénézuela qui blâme le président colombien ou une conspiration de la CIA (ou des illuminatis ?) pour se dédouaner de sa politique monétaire est drôlement similaire. Pas besoin d’être communiste pour faire n’importe quoi avec sa monnaie, il suffit de se croire le maître de la société et d’agir en fonction.

Erdogan se bat contre un ennemi économique très dangereux : lui-même.

Pour l’Europe, c’est une alternative diabolique. Le renflouement de la Turquie donnera plus de contrôle à Erdogan, lui redonnera de la crédibilité et augmentera les déséquilibres de l’économie tout en imposant des restrictions plus élevées aux libertés individuelles.

Ne pas renflouer la Turquie, en revanche, pourrait provoquer une crise plus grave que celle de la Grèce. Parce que beaucoup de fonds et d’investissements bancaires de la zone euro ont été dirigés vers la Turquie comme moyen d’accéder à la croissance et à l’inflation. Ce qu’ils ont obtenu, c’est un risque de contrôle des capitaux et de la dévalorisation des devises.

Vous avez peut-être entendu dire que Trump avait déclenché cette crise par son doublement ridicule des taxes douanières sur le métal turc.

Non désolé une monnaie ne s’effondre pas pour cela…

Trump a envoyé l’étincelle pour allumer le foyer qu’Erdogan et son gouvernement ont monté eux-mêmes ! Malheureusement quelques banques européennes ont mis quelques lingots entre les bûches.

 

Le Vaillant Petit Economiste

 

Source : https://mises.org/wire/turkey-could-create-larger-crisis-greece#.W3HKnlP8I6Q.facebook

https://www.washingtonpost.com/world/erdogan-condemns-bullies-for-attacks-on-turkeys-economy-as-central-bank-moves-to-halt-currency-slide/2018/08/13/78514484-9ef8-11e8-a3dd-2a1991f075d5_story.html?noredirect=on&utm_term=.a4f59b148a11

 





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